Stratovarius
Timo KOTIPELTO - Janvier 2013
C'est sous un froid glacial (oui, quel courage! quelle abnégation!) que je me suis rendu au Hard-Rock Café Paris afin de rencontrer le vocaliste Timo Kotipelto du groupe Finlandais STRATOVARIUS, à l'occasion de la sortie de leur quatorzième (si, si) album nommé “Nemesis”. Evoquant avec humour les problèmes de voix qui l'ont empêché de se produire à Paris il y a tout juste deux ans, il nous présente avec enthousiasme ce nouvel opus. Très confiant sur cet album, qu'il considère un peu comme un nouveau départ depuis l'arrivée d'un nouveau batteur en remplacement du pilier Jörg Michael (ne pas confondre avec le Georges...), il nous explique les bienfaits d'avoir un label qui soutient vraiment le groupe, et d'avoir enfin eu tout le temps nécessaire pour fignoler leur nouvelle création.
Fab: Bonjour Timo, et bienvenu à Paris ! Tout d’abord, as-tu des nouvelles de la santé de Jörg (Michael – Ex-Batteur du groupe, touché d’un cancer de la thyroide)?
Timo KOTIPELTO (Chant) : Il va bien ! Il a été opéré, et après, il me semble qu’il a dû boire un truc radioactif qui tue le reste des cellules (cancéreuses). Il est désormais complétement guéri, même si bien sûr, il n’a plus de thyroïde. Il doit donc prendre une hormone appelée la thyroxine chaque jour, une ou deux pilules, et ce, pour le restant de ses jours. Mais il va bien, et ce n’est pas la raison pour laquelle il a quitté le groupe. Mais c’est très gentil de demander.
Fab : C’est normal. Il y a deux ans, sur la tournée avec HELLOWEEN, vous avez été dans l’impossibilité de jouer à Paris à cause d’un problème de voix (ndlr : le 11 janvier 2011). Peux-tu nous en reparler brièvement ?
Timo KOTIPELTO : Disons que tout a commencé quand nous avons joué notre dernier show juste avant Noël, quelque part en Europe de l’Est, je ne me rappelle plus (ndlr : Prague). Je ne sais pas ce que j’ai pris, mais je n’étais pas le seul, car même des personnes dans le camp d’HELLOWEEN ont contracté cette bactérie (ndlr : infection bactérienne de l’estomac qui dessèche les cordes vocales, par suite d’intoxication alimentaire). Malheureusement, j’étais le seul chez STRATOVARIUS (rires). Quand je suis rentré chez moi deux jours après, tout s’est déclenché, et on a diagnostiqué ce mal comme étant la bactérie du cantaloup, une variété de melon. Même quand je prenais une gorgée d’eau, elle ne restait pas, et tout s’asséchait. Et les cordes vocales sont les premiers organes à s’assécher, comme quand tu cours, par exemple. Bien sûr, au départ, si j’avais su que c’était aussi sérieux, je serais allé à l’hôpital pour prendre quelque chose. Mais je pensais que c’était rien, que ça allait passer. Mais cela a été très dur pour moi car j’ai dû annuler un concert en Finlande, deux en France, et cela aurait pu tout simplement entrainer l’annulation complète du reste de la tournée si cela avait empiré. En Espagne, je suis monté sur scène, en demandant de l’aide au public, mais mentalement…c’était la plus mauvaise période de ma vie professionnelle. J’ai déjà brûlé ma main une fois, pendant un festival, mais ce n’est que la main, je pouvais quand même chanter. Mais là…j’espère que pour notre prochaine venue à Paris, je ne tomberai pas à nouveau malade ! (rires, en touchant le bois de la table).
Fab : Avec le recul, comment analyses-tu Elysium ?
Timo KOTIPELTO : Je pense que c’est un très bon album, mais (temps de réflexion), le problème a été que l’on a du tout précipiter. On allait commencer à enregistrer quand la tournée avec HELLOWEEN a été confirmée, et soudainement, nous avions un ultimatum, une date limite. La tournée devait commencer en Novembre, et par conséquent, l’album devait être terminé avant. On a essayé de tout faire fonctionner avec le peu de temps que l’on avait. Cet album aurait pu être meilleur avec plus de temps. Mais avec ce nouvel album, on a eu plus de temps, donc…Ceci dit, je l’aime toujours Elysium ! L’autre problème était aussi que l’on avait pas fait de promotion pour cet album, excepté quelques phoners, quelques interviews par email. Ce coup-ci, en « face-to-face » comme maintenant, c’est plus facile pour tout le monde.
Fab: Comment s’est déroulé le processus de composition de votre nouvel album Nemesis ?
Timo KOTIPELTO : En gros, comme cela a été le cas pour les deux albums précédents. Jens (Johansson – claviers) et moi appelons ça « la nouvelle équipe de composition » (rires). Par le passé, il n’a avait qu’une personne qui prenait en charge l’ensemble des compositions (ndlr : Timo Tolkki), mais comme il n’est plus dans le groupe, maintenant, c’est pour l’instant Jens, Lauri (Porra – basse) et moi-même qui avons effectué le travail d’écriture. Dès que quelqu’un a une démo, il l’a fait parvenir aux autres, car chacun compose chacun d’abord de son côté. Après, ils me demandent d’y apposer des paroles. Pour cet album, j’ai composé deux chansons avec Jani Liimatainen, qui ne fait pas partie du groupe, mais avec qui j’ai fait pas mal de concerts dernièrement, étant donné qu’on a sorti ensemble l’album Blackoustic en 2012. Donc en gros, tout le monde compose, et nous nous sommes retrouvés avec plus de 20 chansons ! Et on les a toutes écoutées, et le principe est que tu ne peux pas voter pour les chansons que tu as composées, mais uniquement pour celles que les autres ont composées. C’est d’après nous la meilleure manière pour que les meilleures chansons soient sur l’album. C’est démocratique (rires).
Fab : Comment se passe l’intégration de Rolf (Pilve – Batterie) au niveau de l’alchimie du groupe ? A-t-il eu une incidence sur l’écriture ?
Timo KOTIPELTO : Ce qui est intéressant, c’est qu’il est bien plus jeune que nous, même si il n’a pas tant d’écart d’âge avec Matias (Kupiainen – Guitares). Quand on était dans la recherche d’un nouveau batteur, on a pas mal regardé de vidéos sur YouTube, etc… puis on a décidé d’en appeler 4 en studio, pour jouer un peu avec eux, « taper le bœuf ». On l’a choisi lui parce qu’il était simplement le meilleur pour nous. C’est aussi simple que ça. La première fois qu’il est posé derrière les fûts, il était si cool, si calme, et était prêt à jouer ce qu’on voulait. Quand il a commencé à jouer de la batterie, il jouait des chansons de l’album Visions (1997), tu sais, c’est un ami du groupe, et son rêve était de jouer avec nous. Egalement, il faut dire que Jens et moi, on était un peu inquiet du fait que c’était le petit nouveau, est-ce qu’il allait faire trop la fête ? trop boire ? alors qu’en fait, il est très simple, très facile.
Fab : La pochette est magnifique, et avec le titre Nemesis (déesse de la colère, voire de la vengeance), peut-on en déduire que la femme est la fin de l’homme ?
Timo KOTIPELTO : C’est une très bonne remarque (rires) ! Ce que j’aime dans cette pochette, c’est que tout le monde peut y avoir quelque chose de différent. La manière dont je l’interprète, et cela n’engage que moi car seul l’artiste qui l’a réalisée détient la vérité, c’est plutôt que nous, les humains, nous traitons la planète terre d’une manière si mauvaise, que Nemesis va venir pour infliger un peu de justice. Et vu que nous avons été horribles, nous allons souffrir. Moi, je vois ça comme ça.
Fab : Qui est à l’origine de l’excellent passage électro-techno de Halcyon Days qui apporte une couche supplémentaire à ce titre?
Timo KOTIPELTO : C’est l’idée de Matias. Il a d’ailleurs produit l’album et composé cette chanson, même si j’en ai écrit les paroles. La première fois que j’ai entendu ce passage, j’étais un peu…« mais…ça sonne comme de la techno » (avec dégoût), car je suis assez étroit d’esprit là-dessus. Puis dès la seconde écoute…j’avoue que je l’aimais bien finalement. Et puis, c’est comme tout cet album, c’est un STRATOVARIUS moderne, les sons sont meilleurs, les guitares plus heavy, plus sombres. Notre musique est toujours mélodique, mais cet album est plus sombre, plus triste. Mais il y a clairement plusieurs couches, spécialement quand il y a autant de bonnes pistes de clavier.
Fab : Comment le choix de l’E.P. (sortie le 25/01/13) s’est-il porté sur le titre Unbreakable ? Et qui a eu l’idée de mettre sur ce single 4 titres remasterisés de vos albums précédents ?
Timo KOTIPELTO : Quand on mixait l’album, nous avons pensé que certaines chansons étaient peut-être trop complexes pour que l’auditeur puisse…(réfléchissant)…très souvent, les gens se font leur idée sur un groupe après seulement une écoute d’une partie d’une chanson. Du coup, nous avons pensé que le titre Unbreakable, malgré qu’il soit également composé de plusieurs parties, reste assez mélodique et accrocheur. C’est l’une des chansons les plus « faciles » à appréhender. Et nous allons probablement faire une vidéo, mais pour un autre titre. En ce qui concerne cet E.P., nous ne voulions pas spécialement en sortir un, mais le label, oui. C’est une manière selon eux d’informer le public qu’un nouvel album de STRATOVARIUS est en cours (sortie prévue le 22/02/13). Je pense qu’il est plutôt pour la presse et les stations de radio. Mais comme on voulait, quitte à sortir un E.P., sortir quelque chose de spécial, on a décidé de rajouter quatre titres remasterisés (ndlr : Falling Star de « Polaris », The Game Never Ends de « Elysium », Freedom de « Infinite » et Why Are We Here de « Intermission ») pour que ça devienne un disque pour les collectionneurs, pour qu’ils aient quelque chose de différent. Je suis quasiment sûr que le label perd de l’argent en sortant cet E.P., mais c’est de la bonne promotion. Je vois les choses ainsi.
Fab : Quels sont vos rapports avec le label Allemand Ear Music depuis les trois derniers albums ?
Timo KOTIPELTO : Ils sont très bons. En fait, je suis très surpris que cette fois, on puisse faire cela (donner des interviews, faire de la promo) car pour Elysium, on ne l’avait pas fait. Là, on va dans tous les pays Européens pour ça, et puis après, on va à New York pour deux ou trois jours pour revenir quelques jours à Londres. Je crois qu’on a de la chance d’avoir un label qui croit en nous et qui est enthousiaste pour notre nouvel album. Tu n’es pas sans savoir que de nos jours, les ventes de disques sont très difficiles à cause du téléchargement gratuit sur internet, mais bon, les fans de Metal sont plus loyaux, ils veulent posséder physiquement l’album. Ce qui est une très bonne chose. Mais de toute façon, ce n’est pas aussi courant d’avoir un label qui soigne tout ça. On apprécie énormément leur travail. On a aucune pression de leur part au niveau artistique, on ne leur a même pas envoyé de démo (rires) ! On leur a juste donné le nouvel album fini comme ça (rires). Qu’est-ce qui aurait pu se passer s’ils l’avaient trouvé mauvais ? Mais bon, ils l’ont aimé, donc…
Fab : Vous allez effectuer une tournée Européenne (passage à la Cigale à Paris le 31/03/13) avec Amaranthe, un groupe Suédois.
Timo KOTIPELTO : Pour le choix de ce groupe, c’est d’une part le management, mais également de par les relations de Jens, qui connait bien l’un des chanteurs, et qui est également Suédois. Ils font un style de musique différent du nôtre, mais c’est très bon.
Fab : Ta tessiture de voix est vaste, comment travailles-tu les parties vocales hautes ? Des conseils pour les jeunes chanteurs ?
Timo KOTIPELTO : Quand j’ai commencé à chanter, il était naturel pour moi de chanter très haut. Au début, je chantais quelques chansons de RAINBOW, où il y a des parties vocales très perchées. Par la suite, j’ai bien sûr pris des leçons de chant et maintenant, chanter est tout simplement facile pour moi, enfin, sauf quand je chope une bactérie (rires) ! Mais quand un chanteur vieilli, sa voix change un petit peu, et dans les parties hautes, ma voix n’est peut-être pas aussi claire qu’elle l’était. Mais je pense avoir un son plus riche dans les médiums. Quand j’ai fait l’album acoustique que j’ai évoqué précédemment, c’était la première fois que je chantais aussi bas, et c’était une super expérience car je n’avais aucune idée du son de ma voix dans des parties basses.
Après, au niveau des conseils que je pourrais donner, tout d’abord, vous devez déjà adorer chanter. Et bien qu’il soit normal et bien d’imiter d’autres chanteurs, d’apprendre la manière dont ils utilisent leur voix, il est très important à un moment donné de trouver votre propre style. Parce que ça n’a pas d’importance que techniquement vous soyez super bon, tout le monde s’en fout de ça, il faut que votre voix ait quelque chose d’unique, que les gens reconnaissent immédiatement lorsqu’ils vous écoutent. C’est pour moi la chose la plus importante.
Fab : Avec une discographie aussi opulente, comment diable faites-vous pour décider une set-list ?
Timo KOTIPELTO : C’est bien le problème (rires). STRATOVARIUS à sorti 14 albums, j’ai participé à 11 d’entre eux. Et là, on a 3 albums avec un nouveau line-up. Pour Polaris et Elysium, j’en choisissais deux ou trois, mais pour Nemesis, j’en voudrais sept !
Fab : Décidez des chansons en lançant les dés !
Timo KOTIPELTO : (rires). Je pense que nous jouerons Unbreakable et Halcyon Days. Et puis, sur cette tournée, nous ne jouons que 75 minutes. Bref, ça va être difficile (rires) !
Fab : As-tu de nouveaux projets solo en tête ? Un quatrième album ?
Timo KOTIPELTO : Oui, j’en ai un de plus à faire en accord avec le contrat que j’ai signé. Après, est-ce que j’ai le temps de le faire ? On a composé avec Jani Liimatainen plusieurs nouvelles chansons, mais on ne sait pas encore à quoi elle vont servir. On verra, ça reste très ouvert. Quand je ne suis pas occupé avec SRATOVARIUS, je fais beaucoup de concerts acoustiques en Finlande. Et c’est toujours très difficile pour moi de dire non à un projet quel qu’il soit, car j’adore chanter (rires) ! Que dire de plus ? Je suis un chanteur professionnel, alors j’adore chanter !
Fab : Un rituel avant de monter sur scène ?
Timo KOTIPELTO : Je vérifie les conditions de ma voix, et la prépare en général une heure avant le show. Le temps nécessaire pour chauffer ma voix est très variable, selon si je suis un peu malade, ou si j’ai peu dormi la veille.
Fab : Une question traditionnelle de ma part : Il y a-t-il une personne, non liée au monde de la musique, qui est ou a été une grande inspiration pour toi ?
Timo KOTIPELTO : Oui, mon père bien sûr. C’est un gros travailleur, il sait faire des choses avec ses mains dont je suis incapable, il construit des choses. Moi, je ne sais rien construire, je ne suis pas un bon bricoleur (rires).
Fab : Un dernier mot pour les fans Français de STRATOVARIUS ?
Timo KOTIPELTO : Tout d’abord, vu que la dernière fois je n’ai pas pu chanter, il va être très important cette fois de chanter et de ne pas me louper (rires). Et je suis honnête quand je dis que la France est l’un des pays les plus importants pour STRATOVARIUS. C’est toujours un plaisir de revenir ici. Au tout début, le public était déjà très bon, puis, au fil des années, petit à petit, il y avait de plus en plus de monde à nos concerts en France. Et puis, j’adore le vin rouge et la cuisine Française (rires) !