Interviews

Treponem Pal

Treponem Pal

Samedi 21 juin (Hellfest 2008 2nd jour)

Précurseurs du métal indus en France, Treponem Pal nous reviennent après une assez longue séparation avec leur album Weird Machine (chez Listenable). Nous avons rencontré Didier (sampler) et Pierre (basse) après leur concert. L'occasion d'évoquer la tragique disparition du bassiste Paul Raven, (Killing Joke, Prong, Ministry …) au cours de l'enregistrement de l'album.

Treponem Pal

Fab : Alors contents d'être au Hellfest ?
Didier Breard : Oui, alors (rires), comme nous le disions, on a fait un concert qu'on a vraiment pris du plaisir à faire à tous les niveaux quoi, et apparemment qui a fait plaisir au public. Au vu des réactions, c'était vraiment bien. Et en plus, l'organisation de ce festival est excellente, les gens sont super sympas, les backliners, tout, on est vraiment bien accueillis. On a de la chance d'avoir un festival comme ça, en France.

Fab : Quel recul avez-vous sur la carrière de TP, après toutes ces années ? D'être au Hellfest, une sorte d'aboutissement ?
Didier : C'est pas un aboutissement, c'est une suite logique.

Fab : C'était pas péjoratif le terme " aboutissement " (rires)
Didier : Oui, oui (rires). Ben je sais pas, c'est une question tellement vaste. Dans la carrière de TP y'a eu pas mal de changements, on a fait des choses diverses, on a même fait un groupe de rock-reggae, parce que l'envie était là, de le faire. Mais au bout d'un moment, on a eu l'envie à nouveau de mettre la guerre, tu vois, l'envie d'aller au charbon, et puis que ça bastonne et tout. Comme on avait arrêté TP en bon état on va dire, à une époque où tout se passait bien, on a repris les choses là où on les avait laissées. On a trouvé de nouveaux musiciens, et on a eu la chance de tomber sur des zicos terribles. Voilà quoi, c'est la guerre.

Fab : A part MINISTRY, y'a d'autres groupes que vous voulez voir sur ce Fest ?
Didier : Ben j'ai pas vraiment eu le temps de regarder ce qui s'y passait, euh, Motörhead.
Pierre : Punish Yourself ce soir ça sera vraiment pas mal.
Didier : Ouais, Punish Yourself ils sont excellents.

Fab : Un commentaire sur le regretté Paul Raven, que vous connaissiez en tant que musicien mais aussi en tant que personne.
Didier : C'était surtout Marco qui était copain avec lui, depuis très longtemps, rencontré au gré des tournées. Et en fait, on savait que Paul avait le projet de faire quelque chose avec nous, et il nous l'avait dit, et effectivement, quand on a commencé le nouvel album, on a pensé à lui, et à Ted Parsons. On les a appelés, les deux ont répondu tout de suite " Ok, on vient, pas de problème ". Et donc ils ont déboulés, tout contents d'être là, et nous, tout contents de les accueillir. Et vraiment c'était le bonheur, pour un petit moment malheureusement, si y'avait pas eu ce tragique accident cardiovasculaire. Paul joue quand même sur 3 morceaux du nouvel album, je pense qu'il nous a quand même transmis un fluide quelque part. Puis il s'est passé une chose assez étrange : suite à son décès, sont venus à Genève, des quantités de gens, de ses amis, de sa famille, avec qui on a sympathisés, des gens vraiment super cool, et qui nous ont vraiment boostés, parce que franchement, c'est vrai que le jour où Paul est décédé, on a pris un sale coup au moral. Pendant deux jours on a rien fait du tout quoi. Mais d'une part c'était évident que Paul aurait trouvé ridicule qu'on arrête l'album, et en plus, tout ces gens-là, Jordan le frère de Paul, le meilleur ami de Paul, qui nous ont vraiment boostés, qui nous ont donné la pêche. Mais c'est vrai que tout ça, ça laisse une impression étrange.

Fab : Comment qualifieriez-vous la musique actuelle de TP ? Des nouvelles influences ?
Didier : Est-ce qu'il y a de nouvelles influences ? Ouais, je dirai peut-être qu'il y a un côté plus psychédélique que ce que l'on a fait jusque là…Qu'est-ce qu'on a écouté en faisant cet abum ? On a écouté pas mal de choses comme les Doors, les Stones, Pink Floyd, des choses comme ça. Et tout en gardant des influences qu'on a toujours eu comme Birthday Party par exemple. C'est un mélange de toutes ces choses-là. C'est peut-être notre album le plus stylé on va dire.

Fab : Donc, le prochain album, il sera plutôt rock ou reggae ?

Didier : (rires) Bon ben le reggae, on a déjà pu s'exprimer à fond en faisant un album entier, dans les meilleures conditions possibles en plus, avec Adrian Sherwood, avec des musiciens jamaïcains fabuleux, donc on a plus de raisons de mettre du reggae dans TP. Ça s'est produit dans HIGHER parce que c'était une envie, on avait envie de faire du reggae. On avait effectivement mis un zest de reggae dans l'album de TP. Mais maintenant qu'on fait carrément Elephant System, le groupe de reggae, y'a plus de raisons d'en remettre avec TP. Ceci dit, on refera peut-être Elephant System un jour, rien n'est interdit.

Fab : Ca pourrait être sympa ES en première partie de TP. Pourquoi pas ?
Didier : Mais c'est arrivé (rires), on a fait ce délire une fois. C'était un concert, on était invité comme ES, dans un grand festival, et en fait on a mis des morceaux de TP. C'est assez curieux, assez étrange car le concert changeait complètement d'ambiance à un moment donné.
Pierre : Mais t'as quand même des tempos qui se retrouvent l'un dans l'autre.
Didier : Oui, oui, c'est vrai.

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Fab : Et le public, il réagissait comment ?
Didier : Ben le public il était un peu surpris, c'était un public qui venait voir ES, et donc après, ils se sont pris ça (TP) dans la gueule (rires). Bon, ça s'était pas mal passé mais c'était un délire, c'est un truc qu'on ne refera pas. Je pense pas.

Fab : Est-ce qu'on peut espérer la réédition d' " Higher " ? A l'instar du superbe coffret reprenant vos 3 premiers albums + des live.
Didier : C'est possible. Effectivement, on a gardé " Higher " de côté. Mais là, je peux pas vraiment en parler.

Fab : Vous vous êtes absentés un petit moment de la scène métal, dans quel état vous la retrouvez ?
Pierre : Ca s'est vachement élargi depuis une vingtaine d'années, personnellement c'est ce que je dirais. D'un côté t'as tous les jeunes qui découvrent un tas de trucs, c'est clair, et pour les gens…moi perso j'ai déjà 36 balais, je ne parle pas vraiment au nom du groupe là, c'est plus une expérience personnelle, t'as l'impression que c'est un peu le chien qui se mord la queue. Il y a peu de trucs originaux.
Didier : Enfin, en même temps, c'est vivant. On peut pas nier que le Métal est vivant.
Pierre : Et d'un autre côté, t'as une masse de groupes, et c'est vrai comme le dit Didier, ça n'a jamais été comme ça. Y'a jamais eu autant d'effervescence dans le Métal.
Didier : Y'a vraiment un public énorme pour le Métal comme y'en a jamais eu auparavant, jamais le public du Métal a été aussi large je veux dire.
Pierre : Après, est-ce qu'il ne reste pas un petit problème franco-français, ça fait longtemps qu'on nous dit ça. J'ai l'impression que ça se passe bien, ou différemment dés que tu passes la frontière française.

Fab : Je suis assez d'accord.
Pierre : Après, c'est pas évident de décrire une scène.

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Fab : Tout à l'heure, j'ai interviewé XXX d'Impaled Nazarene, et il me disait que là-bas (en Finlande) c'est vrai qu'ils ont une énorme culture Métal. Presque trop, mais ça reste de la concurrence saine. Alors qu'en France…
Pierre : C'est vrai que là-bas, ils sont barrés à donf là-dessus. Bon après t'as des exceptions, comme Gojira qui s'exportent bien hors de France, c'est un peu le fer de lance. Mais c'est trop rare.

Fab : Problème de mentalité peut-être. Y'a pas une grande diversité dans la scène française musicale.
Pierre : Malheureusement non. Après, t'as des artistes comme Arno, que je trouve, par certains côtés métalleux. C'est peut-être idiot ce que je dis. Je l'ai vu un moment avec un gratteux qui jouait sur une gratte baryton, une espèce de basse-guitare qui envoyait des sons super noisy, enfin voila c'était…
Didier : Ouais ben nous c'est pareil, on est pas strictement métal, c'est clair. On fait autre chose quoi. A la limite on est aussi métal qu'Arno peut l'être.

Fab : Sur le dernier album, pourquoi avoir repris certaines paroles de " Renegade " dans le morceau " Hardcore Massif Soldier " ?
Didier : C'est dommage que Marco soit pas là (rires). Y'a pas de raisons précises, ca sonnait bien avec le morceau quoi. C'est pas super réfléchi, c'est des paroles que Marco chantonnait comme ça, pour essayer de se faire une idée du morceau, puis en fait ça sonnait tellement bien que voilà. Pareil, on a fait " Mad Box ", qui est une sorte de revisitation de " Black Box ", un morceau du premier album. On l'a rebaptisé " Madbox ", la musique est complètement différente, mais le chant est le même.

Fab : Est-ce que vous avez toujours des contacts avec les anciens membres de TP ?
Didier : Pas tellement non. Chacun est barré…ils ont leur petite famille, éventuellement leur projet comme " Fast Forward " de Didier Serbourdin l'ancien batteur. Michel le guitariste a également un projet dont malheureusement le nom m'échappe pour l'instant… (NDR Fiend, vus récemment durant le Noise Fest à Paris, si je ne dis pas de bêtises)
En fait, chacun est dans son petit truc. Mais c'est vrai qu'on est en très bon terme avec les anciens membres, on s'entend très bien. Simplement, quand on a relancé l'idée du groupe (TP), les gens étaient déjà barrés sur tel ou tel projet. A la fin, on s'est retrouvé juste Marco et moi pour relancer l'affaire quoi. Mais c'était suffisant.

Fab : Un commentaire sur votre label " Listenable " ?
Didier : Ben on est vraiment très content. Ils bossent très très bien.
Pierre : C'est des passionnés.
Didier : Voilà, c'est des passionnés. Je veux dire, quand on a connu la " Major " par exemple, ça fait plaisir de retrouver un label qui sait aller bosser avec des fanzines, des webzines, enfin vraiment faire ce travail de fourmis qui est absolument indispensable pour un groupe comme nous. Ce qui est pas du tout la façon de bosser d'une " Major ". Pour nous c'est un bonheur de se retrouver sur ce label. Ils correspondent à notre philosophie, notre état d'esprit.

Fab : Justement, en parlant d'état d'esprit, est-ce que vous êtes toujours en accord avec la signification humoristique du nom TP ? Un peu psychédélique, fun…
Didier : Y'a jamais réellement eu de " fun " là-dedans, où alors c'était vraiment " pince-sans-rire ".
Pierre : Après est-ce que nous on s'éclate ? ouais.
Didier : En fait, le nom TP on l'a pas choisi pour la signification (humoristique), c'est surtout que ça sonnait bizarre, que c'était dur à classer, on voulait quelque chose qui soit pas facile à mettre dans une case, quoi, et qui interpelle, on se dit " tiens, pourquoi ? ". Que ce soit un nom étrange.

Treponem Pal

Fab : Est-ce que vous avez une position sur le téléchargement sur Internet ?
Pierre : Perso, je serais assez commerce équitable dans l'esprit, si c'était possible. Après y'aura toujours des débordements des deux côtés ; Y'aura des gens qui abuseront, qui penseront pas à ceux qui font de la musique, qui ont besoin de bouffer à un moment. Moi je parle par expérience d'un petit groupe que j'ai eu avant pendant des années, et j'avais pas d'autres solutions, j'ai pas eu la chance de signer avec une " Major "… De ce point de vue là, ce serait sympa d'arriver à une espèce d'équilibre, qu'il n'y ait pas d'abus comme on peut le voir maintenant.
Didier : Non mais c'est clair que ça pose un problème, si il est impossible de vivre de sa musique, la création va en prendre un sale coup. Même si sur le principe, la musique gratuite pourquoi pas, si on veut qu'il y ait une création… Ca va poser un problème de renouvellement de la création…Après, le téléchargement, c'est vrai aussi que ça peut faire découvrir. Par contre, ce que ne donnera jamais internet, c'est le côté " Objet " je veux dire, ça manque quand même réellement. Même quand on achète (donc légalement) des morceaux sur le web, c'est quand même vraiment froid. L'objet, que ce soit un cd ou autre chose, qu'il y ait un support solide (artwork, paroles, commentaires), ça y'en aura toujours besoin.
Pierre : Je pense même que jusqu'à un certain niveau, y'aura un côté fan collectionneur. Les packs style cd + vinyle, c'est plutôt un bel objet quoi.

Fab : Oui, internet c'est un espace de liberté, mais il faut peut-être qu'il y ait des limites.
Didier : Du coup, on est super contents d'avoir sorti cette rétrospective (le coffret), c'était une bonne opportunité de sortir ça.

Fab : Revenons au Hell Fest, vous êtes arrivés quand ?
Didier : On est arrivé une heure avant de jouer à peu prés, enfin, avant de s'installer sur scène.
Pierre : Ah les festivals c'est toujours assez speed.
Didier : C'est vrai que je disais avant de venir, en pensant à d'autres festivals, que quand tu joues dans un gros festival, tu n'as pas le temps d'en profiter car tu installes ton matériel, tu joues, tu rembarques ton matériel et c'est fini. T'as rien compris (rires). En l'occurrence, je retire un peu ce que j'ai dit, car là franchement (au Hell Fest), je dois avouer que le concert, on a eu le temps d'en profiter. Ca durait que 45 minutes, c'était super court mais j'ai quand même pris le temps d'en profiter, de voir vraiment le public.

Fab : C'est parfait, un dernier mot pour les lecteurs de BSPIX ?
Didier : Venez nous voir sur scène, vous verrez la lumière…
Pierre : (rires). La zik à donf ! Je viens de l'est de la France, excusez mon franc-parler.
" rock on ! ", c'est cool.

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